Le rêve nocturne

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introduction au rêve

     Si je fais le rêve d'une sorcière qui me projette contre un mur, je constate simplement que je suis victime d'un important complexe maternel qui probablement se transmet par les femmes depuis plusieurs générations et que pour l'instant, le rêve reste trop général pour que je puisse trouver les éléments pour modifier mon comportement. 

    Mais si je fais le rêve d'une femme, ma femme dans le rêve, qui me fait une scène en tentant de me planter une fourchette dans le coeur en me traitant de cossard, j'ai peut-être à y regarder en deux fois et prendre des dispositions pour qu'elle n'ait plus le loisir de recommencer. C'est là que l'interprétation a son importance pour ensuite poser les actes qu'il convient afin d'améliorer ma vie.

     La femme de mon rêve, c'est mon âme. Elle me fait une scène afin que je m'occupe d'elle. Elle me tue, cela signifie que mon absence d'envie, mon aquabonisme s'entretient de lui-même et m'entraîne à avoir de moins en moins d'envies. Et peut-être jusqu'à la perte du gôut de vivre, la dépression et le suicide. Pour ne pas en arriver là, il convient de changer d'attitude et de m'engager à satisfaire mon âme en me bougeant le derrière, en faisant attention à mes désirs, à aller vers ce que j'aime sans renâcler même si je ne sais pas encore bien ce que j'aime. 

    Changer sa vie à partir d'un rêve, ou d'une série de rêves, c'est entrer dans l'aventure intérieure. C'est prendre au sérieux le rêve comme s'il venait d'un être en soi infiniment sage, cet être-même objet de vénération des religions. Une puissance ordonatrice de la vie. 

    Il y a trente ans, alors que je suivais les pratiques élaborées par Bernard Montaud, fondateur de l'école de vie intérieure Art'as, et que j'étudiais les Dialogues avec l'Ange, une aventure spirituelle vécue pendant la guerre et rapportée par Gitta Mallasz, je fis le rêve suivant:

     Je suis sur le lieu de mon travail, Gitta et Bernard viennent y faire une conférence. Soudain, le sol se met à pencher et me voici précipité dans un vaste atelier où l'on prend soin de plantules en godets qui vont partir faire des arbres. Une pépinière.

    Ce rêve est vieux de 30 ans. A l'époque, je supportais mal mon travail et ce rêve était venu me donner l'espoir d'en sortir pour exercer le métier de psychothérapeute. C'était aller trop vite en besogne. D'autres rêves furent nécessaires pour préciser la chose. 

    Je conduis un autocar et je n'ai pas assez de carburant.  Ce rêve montrait qu'il me serait impossible de conduire une entreprise collective par manque d'énergie disponible, mais individuellement  c'est possible comme le montre le rêve qui suit.

      Je suis avec un anglais en vacances en France. C’est un maître-nageur bénévole. Nous parlons de son activité et il me parle qu’il a eu la barbe et je lui réponds : « Beard gives authority ! »                                                                                                                Un maître nageur anglais symbolise une personne étrangère (qui n'est pas du sérail) qui sait apprendre à autrui à évoluer dans sa vie psychique sans couler.

    Autrement dit, le rêve me demande d’enseigner à autrui à se mouvoir dans son insconcient dès maintenant et que j'en sais assez (l'anglais) pour communiquer mon savoir. Je n'ai pas besoin de me sentir reconnu (la barbe) pour commencer ce travail.

     Le rêve pousse parfois à agir dans l'immédiat, parfois ça ne sert à rien de se précipiter. La direction est donnée, mais il faut attendre un long temps de maturation pour enfin agir de façon compétente et sûre. Ainsi ce rêve me poussait à enseigner l'interprétation des rêves et à aider autrui à bien mener sa propre aventure intérieure sans attendre d'avoir acquis de l'autorité.

    Le maïtre-nageur est bénévole, donc je le suis aussi.

    Un rêve fait par un ami l'a montré que l'accès à la mer doit être gratuit.

     Oui, l'accés à la connaisance de soi doit être gratuit. Le rêve et son interprétation ne doit pas etre enfermé dans des écoles de spécialistes dûment diplomés par ceux qui, une fois qu'ils ont découvert une méthode d'introspection, s'empresse de l'enfermer afin d'acquérir une notoriété, un petit pouvoir en en interdisant l'accés aux gens simples.

    Or tout le monde rêve et chacun est capable d'interpréter ses propres rêves, moyennant quelques recettes simples. C'est à cette simplicité que je convie celui ou celle qui a le goût de l'aventure, une aventure qui consiste à dépasser ses complexes, oser des comportements nouveaux en lien avec sa propre vérité intérieure, celle qui s'exprime dans les rêves, dans les intuitions, dans l'acte créatif, et qui nous fait grandir.


Le langage du rêve nocturne

    Lors d'un repas avec des amis, alors que le sujet de la conversation porte sur les rêves, l'un d'entre eux raconte :
— J'ai fait un rêve cette nuit. Ouahou ! C'était vachement bien. J'étais en l'air et je nageais, je nageais... Hum, comme c'était agréable !
— Tu faisais quelle nage, lui demande-je ?
— La brasse, pourquoi ?
— N'as-tu pas l'impression qu'en ce moment, tu brasses de l'air ?
Et tout le monde de se marrer comme des baleines. Lui est un peu moins hilare, tombé d'un coup de son petit nuage de bien-être inconscient.                                                                               

     Un homme qui se sent dévalorisé à faire un travail de déménageur me raconte ce rêve:

— Je suis un général et je rentre de la guerre. La foule m'applaudit et me porte en triomphe, je suis heureux, je jubile. Je m'aperçois que les manches de mon uniforme sont épinglées aux épaulettes. Je n'ai plus de bras. En me réveillant, le sentiment de joie et de sérénité est tel que je ne fais pas attention au fait que je n'ai plus de bras.
— Alors, quel est le rapport avec ta vie ?
— J'ai des tendinites à force de porter des meubles. Mais je n'ose pas faire faire ce travail par d'autres. J'ai trop honte !
— Tu préfères donc garder la considération de tes collègues plutôt que tes bras ?
— Non, bien sûr ! Mais tu sais, de t'en parler me fait voir les choses autrement. Sinon, je serais resté bercé par le souvenir agréable du rêve et j'en aurais rien fait.
    Un peu plus tard dans la journée, il revient me voir en disant:
— Bon ! Là, je crois que je vais me bouger sérieusement. J'ai pas envie de continuer à détériorer mes bras. Tant pis si ça coince avec les collègues, mais j'ai décidé de ne plus porter aucun meuble.
— Oui, c'est ça ! Je sais combien tu détestes ton travail, mais faut pas tout jeter. Pour l'instant, tu gardes la responsabilité des déménagements sans porter de meubles.


    Cet épisode ci-dessus montre à quel point, le sentiment éprouvé dans le rêve peut influencer l'interprétation jusqu'au contre-sens parfois. En parler à quelqu'un d'averti permet de s'en dégager.


L'interprétation

    Dans un rêve, on peut distinguer deux parties. Le récit symbolique d'une part et le sentiment éprouvé par le rêveur d'autre part.
    Pour interpréter, surtout si c'est le rêveur qui le fait lui-même, il convient d'abord de commencer par le récit symbolique en laissant de côté le sentiment éprouvé pour ne pas se faire influencer par lui. 
    Dans le rêve du nageur en l'air,  le récit symbolique dit que le sujet du rêve nage suspendu en l’air et qu'il fait des mouvements de brasse. Ce qui s’interprète facilement par l’action de brasser de l’air qui est aussi une phrase symbolique employée communément pour signifier agiter des idées sans efficacité mais avec conviction.
     Quelqu’un qui brasse de l’air finit toujours par perdre sa crédibilité et se trouve ainsi écarté du groupe. C’est ce qui pend au nez du rêveur s’il persiste dans cette voie.
     Ici le sentiment éprouvé est agréable et il s’en repait. Trouver agréable une action qui à terme va lui disconvenir, signifie qu’il y trouve un avantage immédiat et qu’il n’a pas du tout conscience de la déconvenue qui s’annonce. Le rêve est là pour le réveiller.

     Dans le second rêve, celui du général aux bras coupés, on voit le rêveur dans un rapport à son entourage. Ici c'est le milieu du travail (ce n'est pas dit dans le rêve, mais le rêveur a fait immédiatement le rapprochement)Le récit symbolique dit que le rêveur se bat pour obtenir une reconnaissance par son travail et sa combativité et qu'il n'y a que ça qui compte pour lui.
     Le sentiment éprouvé est tel, le portage en triomphe, l'acclamation de la foule, que le rêveur, emporté par le plaisir de l'émotion, ressenti comme la récompense légitime de son désir, va négliger le fait qu'en persistant dans ce comportement, il va perdre l'usage de ses bras.
    
       Le récit symbolique du second rêve met en balance avantage et désavantage d'un tel comportement, ce que ne fait pas celui du premier rêve. Dans le premier, le rêve du nageur en l'air, il faudra prononcer l'expression populaire brasser de l'air pour que le rêveur perçoive le sens de son rêve.

ATTENTION !
 
Si l'émotion au sortir du rêve est agréable, on a tendance à se sentir rassurré et bâcler l'interprétation à son avantage.
Si l'émotion est négative voire terrifiante, on a tendance à rejeter le rêve comme un mauvais rêve.

Le sentiment éprouvé ne doit JAMAIS  intervenir dans l'analyse du récit symbolique.

L'analyse du récit autour d'un symbole (par ex. la voiture)

    Un récit symbolique s'articule autour d'une image ou symbole et peut se décliner à l'infini. 

    Prenons la voiture. C'est une image que l'on rencontre fréquemment dans nos rêves. Comme c'est un véhicule, il  a besoin d'être conduit.  On peut conduire aussi un autocar, un vélo, un train, mais l'auto ou la voiture se distingue des autres véhicules. C'est un véhicule de particulier. Il un rapport avec la vie personnelle. Ma vie ou bien celle de mes passagers, ou du propriétaire de la voiture.

    Un vélo a aussi un rapport avec la vie personnelle. Mais un vélo a besoin de la propre énergie de son conducteur pour avancer, pas la voiture. Le vélo, c'est avancer dans la vie par ses propres moyens, tandis que conduire une voiture, c'est la diriger, donc diriger la vie de ceux, celui ou celle à qui appartient la voiture.

    C'est donc  le verbe "conduire" qui va faire sens et le reste du récit va s'articuler autour. Conduire, c'est aussi contrôler, piloter, maîtriser un véhicule. Le maîtriser dans tous les sens du terme. Si c'est moi qui conduit ma voiture, il s'agit de la conduite de ma vie avec ses hauts et ses bas. Si c'est la voiture d'autrui, il y a une tentative de se substituer à l'autre.  Dans ce cas, c'est la maîtrise dans le sens de contrainte. 

    La première question à se poser, c'est à qui appartient la voiture. C'est la mienne, celle de ma femme, de mon mari, du couple, de mon grand-père, d'un inconnu etc.

    Ensuite, suis-je  dans la voiture ? A quelle place ?

    Et cette voiture quel type ? Une Rover, mot qui signifie vagabond en anglais, en infléchira le sens, une Jeep aussi dans le sens du tout-terrain, un taxi introduira  la notion de conduite payante.

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     Je rêve que je ne retrouve plus ma voiture là où je l'ai garée. C'est sûr, on me l'a volée.   

     Signification : Je perds le contrôle de ma vie et je ne suis plus autonome. 

     Situation personnelle au moment du rêve : Hier soir, un ami me parle de son opération prochaine de la hanche. Moi aussi, j'ai mal à la hanche et me voici en train de m'imaginer subir le même sort que cet ami.

     Le rêve me signale une perte d'autonomie de ma personne. Donc le conseil est de me recentrer sur ma propre relation à mon mal de hanche qui n'a peut-être rien à voir avec le sien.


     Je rêve que je conduis ma voiture, elle n'obéit pas à ma conduite, elle recule au lieu d'avancer.  Je crois maitriser ma vie  en voulant avancer. Mais c'est l'inverse qui se produit.

    Je rêve que je conduis notre voiture. Mon compagnon dort sur le siège passager. Je suis seule à conduire la vie du couple, mon compagnon ne participe pas.

     Je rêve que je conduis la voiture de mon compagnon. Lui, il dort sur le siège passager.  Je contrôle la vie de mon compagnon et il se laisse faire. 

    Je rêve que je conduis la voiture de mon compagnon. Il est à côté de moi. J'arrive sur une bascule. Je n'arrive pas à faire basculer la voiture de l'autre côté. Il sort de la voiture et s'assoit sur le capot. Elle bascule de l'autre côté.   J'ai du mal à maîriser la vie de mon compagnon. Non seulement, il se laisse diriger par moi mais il appuie dans ce sens. 

     Je rêve que je conduis la voiture de ma compagne. On arrive à Berk et j'épouve un malaise.   Je cherche à maîtriser la vie de ma compagne et ça va me mener à l'écoeurement. 

     Je rêve que la femme qui m'a quitté conduit une Rover. Je suis assis à l'arrière.    Je ne contrôle plus ma vie.  Je me laisse emporter par  mes souvenirs de cette femme, ce qui me fait vagabonder (Rover : le vagabond. On dit aussi "errer comme une âme en peine").

     Je rêve d'une belle voiture des années 1920. Le moteur de la voiture est une partie de mon corps.  Ma mère est née en 1920. La voiture est sûrement celle de ma grand-mère. Ma motivation que je croyais mienne (le moteur) dans la vie, n'est pas la mienne du tout, c'est celle de ma mère et de ma grand-mère.

     Je rêve que je suis à côté de ma femme qui conduit notre voiture sur une route de montagne à voie unique. Il fait nuit et une voiture arrive en face. Notre voiture n'a pas de phare. J'éclaire la route avec un puissant phare à main depuis l'habitacle. La lumière s'éteint brusquement. Je cherche une aire de croisement pour lui dire de s'arrèter, mais ma femme accèlère. L'accident est inévitable. Je cherche à sauter en marche mais c'est difficile.   Le couple qui est dirigé par ma femme court à l'accident.  Je cherche à éviter cela par mon éclairage, mais ça ne sert à rien. On ne peut plus éviter la destruction du couple. 

    Je rêve que je suis assis à l'arrière de notre voiture. Ma femme conduit. On est en ville, il y a du monde sur les trottoirs. Soudain un rideau s'abaisse devant le pare-brise et ma femme ne maitrise plus le véhicule qui s'emballe, monte sur le trottoir et fauche les gens. Je tente de maîtriser le volant en revenant dans la rue mais je ne vois rien. Le mal est fait.   Ma femme impose sa conduite au couple. Elle croit maitriser mais elle ne maitrise plus rien. Des parties de nos personnalités sont mortes ou blessées par sa conduite. Je limite la casse mais le mal est fait. Cette vie de couple est trop dangereuse pour être poursuivie.

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     Quel que soit le récit autour de la voiture, le rêve montre la réalité de notre propre attitude face à la conduite de notre vie. La réponse à ces attitudes différentes est toujours la même. C'est d'observer sur quel comportement le rêve met l'accent, d'en prendre conscience, de le rectifier afin de prendre en main notre propre voiture et d'améliorer notre conduite, c'est-à-dire notre individualité.


L’Individualité est le sol le plus pur.

Elle n’est pas aboutissement, mais fondations.

Le vrai roc que le Ciel accueille, c’est l’Individualité pure et intacte.

(Dialogues avec l'Ange, entretien 79 du vendredi 13 octobre 1944, )

Le rêveur