Les cycles de l'âme

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Introduction

     L'observation de notre propre nature nous oblige à reconnaître que nous sommes gouvernés par deux principes :
le principe de répétition,
le principe d'innovation.
     Voici comment CG Jung voyait le phénomène ...

"L'homme a un passé personnel qui détermine son existence selon un principe de répétition, mais il est aussi inclus dans un passé collectif qui le dépasse, et promis à un avenir pour peu qu'il passe d'un principe de répétition d'une histoire personnelle à un principe de création d'une aventure individuelle".

    Comprendre les cycles de l'âme est l'objet de cette rubrique. Cependant, comprendre la répétition ne suffit pas. Il faut éprouver à nouveau la souffrance pour la dépasser.
Nous verrons comment dans la rubrique  le quotidien comme exercice.


Les cycles de l'âme

Le texte qui suis est issu du site de l'association Artas.  Les schémas sont issus du livre "La psychologie nucléaire, un accompagnement du vivant". (Voir liens).

Définition des deux cycles comportementaux

     La définition centrale du cycle traumatique pourrait s'énoncer ainsi : ce que je me contente d'être. Il conviendrait de décliner cette première définition dans plusieurs directions de sens : ce que je me contente d'être, fidèle à mon passé ; ce que je me contente d'être, conforme à mon traumatisme périnatal et à tous mes traumatismes secondaires ; ce que je me contente d'être quand seulement avec mes douleurs je parviens à être quelqu'un ! C'est-à-dire ce que je me contente d'être avec mes souffrances, au point de prendre ces souffrances pour la réalité du monde.

     A cause du cycle traumatique, chacun de nous à chaque instant recherche un tout petit « j'ai mal » pour avoir le sentiment d'exister. 

     A cause du cycle traumatique, chacun de nous vit successivement quatre temps cycliques comportementaux déterminant les quatre points cardinaux de notre personnalité.

     Il faut cependant comprendre que le cycle traumatique est aussi une chance pour l'espèce humaine, et que cette imperfection originelle - que d'autres appellent le péché originel - est une évolution des performances de la vie sur terre. Certes le cycle traumatique est producteur en permanence de douleurs « fraîches », mais ce besoin de souffrir constamment renouvelé est nécessaire pour que nous puissions percevoir le monde extérieur et nous percevoir nous-même. C'est le mimétisme (voir René Girard dans Liens). 

    Grâce au cycle traumatique nous ressentons le monde au-dehors et notre personne au-dedans inscrits dans l'espace et le temps.

     La définition centrale du cycle Transformé pourrait s'énoncer ainsi : ce que je pourrais être. Là aussi il s'agit de décliner cette première définition pour en percevoir mieux toute la profondeur. Ainsi le cycle Transformé suggérerait : ce que je pourrais être, libre de mon passé ; ce que je pourrais être, si j'avais découvert le secret de mes traumatismes au point d'apprendre à profiter de mon histoire au lieu de continuer à l'endurer ; ce que je pourrais être, si j'essayais d'être remarquable avec mon bonheur plutôt qu'avec mes malheurs.

    Grâce au cycle Transformé, chacun de nous pourrait quitter le boiteux grimaçant pour rejoindre le boiteux souriant. Grâce au cycle Transformé, un « je suis bien » de chaque instant suffirait pour avoir le sentiment d'exister.

    Grâce au cycle Transformé, nous pourrions vivre un cycle à quatre temps déterminant les quatre points cardinaux de notre Individualité.



Le schéma des cycles

Les textes qui suivent sont inspirés par le travail accompli lors de mon passage dans l'association Art'as, complétés par mon expérience personnelle.
Les shémas sont issus du livre 'La psychologie nucléaire, un accompagnement du vivant", édition EDITAS.

Le cycle traumatique se découpe en quatre temps:

1 ) Je me sens mal. Ce temps est quasiment imperceptible.

2 ) Pour combler ce vide ou mal être, je me mets en quête d'amour
 de remplacement. Projection positive (admiration).

3 ) Je n'obtiens pas satisfaction a la hauteur de mon attente: j'accuse. Projection négative (mépris).

4 ) Je me sépare. Je suis soulagé. 


Le cycle transformé se découpe aussi en quatre temps :

1 ) Je me sens bien.

2 ) Je donne ce que j'allais chercher en temps 2 du cycle traumatique (retrait des projections). Ce que j'admirais puis rejetais chez l'autre est ce que j'ai en moi et que je mets au service de la vie.

3 )  Je crée. Ma créativité est ma tâche. Joie.

4 )  Je suis nourri par les résultats de ce service. Gratitude.

Ces cycles paraissent aller de soi surtout le cycle transformé qui demande cependant quelques aménagements. Surtout le retour de l'acte.




Le cycle traumatique en détail

Source ARTAS et du livre "La psychologie nucléaire, un accompagnement du vivant", édition EDITAS.

Temps 1.
    Un mal être. 
   Le premier temps de tous nos cycles traumatiques contient un malaise profond, fondamental, le plus souvent informulé et informulable.
      Il s’agit d’une douleur d’être séparé que chacun traduira à sa façon dans le premier temps du cycle. Grâce à ce temps 1, nous appartenons à une des 8 familles traumatiques selon notre façon de ressentir la séparation (trahison, abandon, rejet, solitude etc.) Très rares sont ceux qui perçoivent le temps UN. Mis à part les grands saints, les sages, ou les quelques premiers de la classe de la vie intérieure. De même, ce temps UN est inaccessible au travail intérieur, soit parce qu’il n’y a pas de douleur, soit parce qu’elle est imperceptible.
 
Temps 2. 
    La "prostitution" ou un amour de rechange : Je me vends.  
    Le temps 2 est le temps du début de la souffrance.
Souffrant d’être séparé, nous nous mettons en route pour essayer de combler ce manque. A ce moment du cycle, tout en nous se tend vers un amour de rechange, une chaleur de remplacement. Observons combien nous sommes prêts a tout pour retrouver une importance ailleurs, combien nous sommes prêts à nous vendre corps et âme pour un amour, une attention de passage.
    Ce temps 2 est bien celui ou nous faisons des efforts démesurés pour correspondre aux attentes réelles ou supposées de l’autre. C’est le temps de compromis et des compromissions pour obtenir la moindre reconnaissance. Chacun de nous va développer sa propre stratégie pour se vendre au mieux.

    Ainsi en fonction des familles traumatiques, allons-nous toujours avoir un second temps spécifiquement adapté au premier. Par exemple lorsque le premier temps traumatique est « le vilain », le second temps sera obligatoirement un « bien sage, bien gentil pour être accueilli ».
   Mais chacun fera le bien sage a sa façon, soit par le silence, soit par une immobile passivité, soit par la servilité, soit en s’activant dans tous les sens ou encore en portant tout à la place des autres.
   Dans ce temps 2, il faut aussi savoir que l’imperceptible souffrance du temps UN devient perceptible. Un « j’ai mal d’inconfort» un agacement, une fatigue, un ennui, comme si le fait de nous vendre commençait à nous peser.
   Et cela augmente car plus on multiplie les efforts de servilité et moins on reçoit l’attention escomptée. A la fin du temps 2, la situation est devenue totalement désespérée, tant il nous faut en faire des tonnes, pour, au bout du compte, obtenir de moins en moins de résultats.
   A la fin du temps 2, nous sommes parvenus a une impasse car nous avons beau multiplier nos efforts, nous ne parvenons pas à combler notre manque premier.
   Bref, chacun fait le triste constat de sa prostitution, et qu’elle ne lui a finalement rien rapporté. Voilà, on s’est vendu, tellement vendus et on n’est même pas nourris

Temps 3. 
   La révolte contre le bourreau. J'accuse. 
   Alors l’autre devient un bourreau de circonstance. Ce temps 3 sera donc un temps de reproches où nous réclamons notre dû. Il s’agira d’un temps de révolte, de complot contre celui qui n’a pas su nous voir pendant le temps Deux. Si dans le temps deux nous nous tournons vers l’autre, dans celui-ci nous nous retournons contre lui. Là encore chacun développera ses propres modalités de révolte : certains utiliseront le caprice, d’autres l’usure, certains prendront le pouvoir de force, d’autres encore s’insensibiliseront pour devenir inaccessibles.
   Pour reprendre notre exemple, le « vilain rejeté » devenu « bien gentil, bien sage pour être accueilli » évoluera vers « un agressif pour être remarqué enfin ». Dans tous les cas, après avoir idéalisé l’autre, ce ne sont plus que ses défauts qui retiennent désormais toute notre attention. Et à cet endroit de notre cycle nous pouvons assister au réveil d’une étrange fonction humaine, car chacun de nous devient très clairvoyant envers la faiblesse de l’autre. Tout comme l’enfant sait pointer le défaut dans la cuirasse de l’adulte, nous sommes capables de percevoir le point faible de notre bourreau, c'est-à-dire l’endroit où assurément nous lui ferons le plus mal.
    Ainsi, en fin de troisième temps, commençons-nous déjà à tramer un complot contre notre persécuteur, pour sauver notre peau d’éternel séparé. Et nous voilà préméditant déjà la rupture avec notre clairvoyance destructrice, car mieux vaut rompre, que de continuer a être si mal ensemble. Bien sur, à force de préméditer, vient toujours le passage à l’acte et nous entrons alors dans le 4ème temps de notre cycle.

Temps 4. 
     La crise de séparation. Je sabre.
    Pour ne plus souffrir, il nous faut en finir. Car depuis le début nous sommes séparés et en fin de temps 3 malgré tous nos espoirs, nous ne sommes toujours pas parvenus à nous réunir.
    Pour ne plus souffrir, il nous faut donc absolument pendant ce temps 4 nous séparer de cet amour de compensation, si décevant. Puisque nous n’avons pas réussi à nous réunir, il vaut mieux rompre !  Aussi allons-nous devoir réagir par une crise de rupture, nous vidant ainsi de toutes les tensions accumulées pendant les trois autres temps du cycle.
    Notons au passage que chacun de nous aura sa façon personnelle de se séparer de l’autre et que toutes nos séparations peuvent prendre des formes multiples : fracassantes, sournoises ou même parfois silencieuses. Mais toutes ces crises sont salutaires car elles nous permettent de nous assouvir, de nous soulager et de stopper l’inflation croissante des douleurs. Sans cette crise, sans cette soupape de sécurité, nos souffrances s’amplifieraient à l’infini et nous deviendrions des bombes de violence.
 
    Si l’on devait résumer l’ambiance générale des quatre temps du cycle traumatique, on pourrait le faire ainsi : le temps1 est celui où on est loin de l’autre ; dans le temps 2, tout ce que l’on fait on le fait POUR l’autre ; dans le temps 3, on fait CONTRE l’autre et dans le temps 4 on fait SANS l’autre.
 
   Il reste à chacun de rencontrer le nom précis des quatre temps de son cycle personnel.
 
   Trouver ces quatre noms secrets est la clé de notre vraie identité. Souvent c’est grâce au revécu de nos scènes traumatiques qu’un sentiment des quatre temps de notre cycle s’impose…


    Cet exposé sur le cycle traumatique se réfère à une relation à l'autre. Dans ce cycle, l'autre est toujours une image de soi projetée sur l'autre. Mais cet autre peut être les autres, la société, le monde, la vie, Dieu. Et parfois cette image peut exister indépendamment de la présence d'autrui. On peut tenter de correspondre à une idée qu'on se fait de soi-même jusqu'à s'accuser soi-même et rompre avec soi-même. Ce qui en résulte, c'est souvent la dépression et parfois le suicide.


Le temps d'interpellation

Source ARTAS et du livre "La psychologie nucléaire, un accompagnement du vivant", édition EDITAS.

  Durant le cycle traumatique, plus tôt je perçois comment je me vends, moins je souffre. En général on perçoit sa prostitution entre le temps 2 et 3 appelé temps d'interpellation. C'est voir. Voir, c'est vivre une émotion, une douleur, une gêne et l'observer au lieu de la refouler en culpabilisant ou en la projetant sur autrui.
    Voir ne suffit pas. C'est en faisant le rapprochement avec mon histoire, ma façon d'être au monde que je peux accueillir ma souffrance et pardonner.
     Enfin, je peux manifester ce retournement en posant un acte dans la vie réelle au sein même de ma relation en cours dans le cycle (ce qui demande parfois un certain courage). C'est agir.

      Car si je me donne, je reçois également. C'est recevoir.
     Je peux ensuite analyser ce que je reçois pour voir comment l'acte posé est reçu. C'est traduire. 
     Si mon acte est reçu, je poursuis mon cycle transformé. S'il n'est pas reçu, je regarde comment adapter mon acte. Et si je n'y parviens pas et m'obstine, je reviens sur mon cycle traumatique en route vers une nouvelle crise.

       Parfois comme ça va très vite, je n'ai pas le temps de voir ce qui se passe. Alors, il est bon de revenir à postériori sur ce qui c'est passé en examinant la scène à partir de ma blessure (celle que j'ai tenté de cacher maladroitement) et d'imaginer comment j'aurais pu faire pour ne pas me sentir blessé. Pour juger de la solution, si celle-ci ne dégage pas une émotion joyeuse signe d'une conciliation des opposés en jeu dans la situation conflictuelle, c'est que ce n'est pas la bonne. 


Les notions nouvelles se trouvent au-delà des opposés.

Gitta Mallasz, Les dialogues ou le saut dans l’inconnu p.76
    


 La résolution du conflit intérieur consiste à contenir ses opposés aussi longtemps que n'adviendra pas le troisième terme qui les concilie.

CG Jung


    Cette constatation faite par CG Jung, déjà observée par Nicolas de Cuse en 1440 (coïncidentia oppositorum) illustre parfaitement la tension entre le temps ou je me vends et le temps ou j'accuse. C'est le moment d'interpellation du cycle traumatique qui transforme le du en indu, le vendu en donné.


Ce que je peux faire

 

  Temps d'attente et de prostitution

  Quand je suis en train de me vendre, ce sont les qualités dont je me suis amputé enfant pour m'adapter au monde, que je vais chercher chez l'autre. Ces qualités, devenues inconscientes, sont projetées. Et opérer un retrait de projection à ce stade est facile  mais demande de bien connaître la façon dont je me vends, ce qui est  plus facile à voir en temps trois.


  Temps d'accusation et de rupture

  Ce que je vois ou j'entends ne correspond pas à mon attente, je balance ou je sabre. 

  L'élément important pour voir, c'est de faire attention à la petite phrase anodine qui juge de cette manière la qualité entrevue : "C'EST PAS ASSEZ CECI", ou bien "C'EST TROP CELA". Cette ou ces qualités ou intérêts entrevus et sabrés sont TOUJOURS ceux qui, précisément, sont à mettre au service de l'épanouissement de la vie, la mienne et celle de l'humanité. Ce sont ces qualités que chacun a sabré à sa naissance pour s'adapter au monde. 


    Un exemple :

  Si je dis que le rêve nocturne n'est pas assez concret (temps 3 du cycle), c'est parce que je voudrais être transformé  par le rêve sans avoir à me bouger les fesses (temps 2 du cycle) pour poser des actes concrets en lien avec ce que le rêve révèle de moi. 

    Ensuite, il est utile  de voir combien de fois dans ma vie, ce sabrage intervient. Il me permet de voir que je ne fais que survoler les choses, par crainte de m'engager et de me sentir coincé. L'acte à poser pour ouvrir le cycle traumatique,  est de me voir survoler et d'en prendre le contrepied en apportant la concrétude dans ma vie en fonction de la suggestion du rêve.

   Puis, j'observe avec pertinence l'effet produit  et je remercie.


  Pour dire cela d'une manière religieuse, ne pas se laisser interpeller par notre mépris ou notre négativité, c'est empêcher Dieu d'entrer en soi. 


  J'apporte ici un témoignage personnel de la façon dont j'allais évacuer une des meilleures techniques de dialogue intérieur qui soit pour moi :

    A la fin de la conférence de Georges Romey (voir liens) sur le rêve éveillé, j'avais trouvé la technique trop facile, pas assez axée sur l'engagement. Et je me suis surpris à prononcer ces petits mots assassins. J'ai tout de suite pris le contrepied et adopté la méthode. Cet acte de foi a transformé ma vie. 

    Le rêve éveillé est une méthode efficace et simple. Je l'utilise avec succès depuis 20 ans. Et j'approfondis toujours ce dialogue intérieur avec un émerveillement qui ne se dément pas.




Le Cycle transformé et la nouvelle humanité

Les cycles de l'âme cachés dans un jeu de cartes

dont les symboles sont plurimillénaires

La Roue de la fortune illustre bien le cycle traumatique
La conscience non différenciée du sphinx (voir l'évolution de la conscience dans la rubrique Le symbolisme) sabre le meilleur de soi-même. Elle tourne indéfiniment. 
Le Monde symbolise le cycle transformé dans sa phase finale, c'est-à-dire lorsque notre évolution sera suffisament avancée pour ne plus retomber dans notre petite personne. Nous aurons alors une conscience en quatre fonctions bien différenciées (voir dans "Le symbolisme").

Dans l'Arcane du Monde, la mandorle, comme celle du Christ en gloire au tympans des cathédrales, suggère plus un état qu'un mouvement, un état de conscience stable et sans temps. Un nouveau règne comme tente de le suggérer la parabole de la porte étroite.



 Évangile de Jésus-Christ selon saint-Luc, chapitre 13, versets 24 à 29 :

    « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. Car, je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer, et ne le pourront pas. Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, et que vous, étant dehors, vous commencerez à frapper à la porte, en disant: Seigneur, Seigneur, ouvre-nous! il vous répondra: Je ne sais d'où vous êtes. Alors vous vous mettrez à dire: Nous avons mangé et bu devant toi, et tu as enseigné dans nos rues. Et il répondra: Je vous le dis, je ne sais d'où vous êtes; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d'iniquité. C'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes, dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. Il en viendra de l'orient et de l'occident, du nord et du midi; et ils se mettront à table dans le royaume de Dieu. »
    — Traduction d'après la Bible Louis Segond.


L'avenir du monde dépend du nombre d'individus capables de contenir en eux leurs opposés.
CG JUNG  



    L'avènement successif des règnes sur terre ressemble à une tentative de la vie pour résister à la mort ou à l'entropie. Et à chaque passage d'un règne à l'autre, une propriété nouvelle émerge. Après le minéral (être là), le végétal (croître), l'animal (se déplacer), voici l'hominal (se donner).
    On voit bien dans nos vies et dans le monde que l'homme a un pied dans l'animalité et l'autre dans l'hominalité

    Si CG Jung a l'intuition d'une destruction du monde  par manque de personnes suffisament "individuées", Jésus, lui, prédit une chose bien plus radicale. Quand le rêgne hominal aura atteint un nombre suffisant de personnes pour poursuivre son évolution propre, le passage sera fermé entre le règne animal et le règne hominal. 

    Par analogie, prenons une propriété émergente radicale qui a permis par le passé à la vie de faire un bond en avant considérable : la photosynthèse.
    Il y a 3 milliards d'années, il n'y avait que des organismes unicellulaires qui tiraient leur énergie d'éléments nutritifs issus de la soupe primordiale des premiers océans. Cette soupe s'épuisa progressivement et il a fallu que la vie invente un autre mode de consommation d'énergie. Des êtres capables de se nourrir du gaz carbonique contenu dans l'atmosphère en utilisant le rayonnement solaire (photosynthèse) apparurent. Il en résulta la fin de la plupart des organismes hétérotrophes par épuisement des ressources de la soupe primitive. D'après les scientifiques, il existe des organismes qui peuvent encore se nourrir sans la photosynthèse, mais ils sont tous issus d'organismes qui avaient utilisé la photosynyhèse auparavant. 
    Tous les êtres vivants actuels sont donc dépendants pour leur survie de la photosynthèse, propriété qui a émergé il y a 3 milliards d'années.  

    Si depuis l'origine de l'humanité, les rites et les cultes religieux ont pour but de réguler la violence dans les groupes humains (voir René Girard dans "la violence et le sacré") en l'externalisant sur une victime émissaire, le sacrifice de Jésus démonte le mécanisme. L'innocent sacrifié. Le don total de soi comme réponse définitive au mal, à la souffrance.

    Les sociétés humaines ont beau vouloir réguler la violence intrinsèque de l'être humain en attribuant à l'état le monopole de cette violence, elle ne l'extirpe pas. Comme la victime innocente sacrifiée des sociétés primitives n'apportait guère qu'un soulagement temporaire, pas plus la structure d'un état, aussi démocratique soit-il n'est une réponse durable. D'ou la réponse de CG Jung devant ce constat. 

   Bouddha, Jésus et plus tard, les Dialogues avec l'ange, mettent l'accent sur la fin de cette violence, la fin de la souffrance par la potentialité de retournement personnel qu'elle contient. C'est dans l'individu que la révolution est possible, pas dans les sociétés. 
   Il s'agit donc d'une mutation profonde de la nature humaine à laquelle nous sommes conviés, à une profonde prise de conscience du mal comme étant du bien en formation.

    On peut imaginer qu'à l'épuisement définitif des ressources fournies par la photosynthèse, des êtres puissent se nourrir sans le secours de l'énergie solaire. Un autre règne de la vie, matière-lumière, encore à l'état d'intuition, difficile à concevoir, est en train de se constituer et ceux qui n'auront pas muté dans le don de total de soi sans condition, seront voué à la violence de tous contre tous qui fera disparaître l'ancienne humanité et peut-être la vie telle que nous la connaissons sur cette planète.
    
       Une fin du monde bien-sûr, mais qui à l'échelle géologique peut s'étaler sur des milliers d'années encore. La fin d'un monde, en tous cas.